Graine
de Ricinus communis 'Carmencita'
Aleurone, cristalloïdes et globoïdes
Comme nous
sommes en période de fructification
et de dissémination végétale, je vous propose une
petite étude anatomique de graines de Ricin (Ricinus
communis « Carmencita » )
Le
ricin fait partie des Euphorbiacées, c'est une vivace herbacée à souche
ligneuse, originaire d'Afrique tropicale (elle est vivace sous les tropiques
et cultivée comme annuelle chez nous).
Sa hauteur atteint 1m 50 à 3 m en une année. (jusqu'à 10
m dans son pays d'origine)
Les graines
(et les feuilles) contiennent des substances très
toxiques dont la ricine, la cyanine et de l'acide cyanhydrique , mais
on en extrait une huile purgative non toxique qui était
autrefois utilisé aussi comme huile de combustion.
(Si
vous voulez réaliser
des coupes, on trouve facilement des graines de ricin chez les grainiers
ou dans les jardineries)
2:
Ci dessous quelques clés de réflexion pour les graines
en général ...
Elaboration,
déshydratation
:
La maturation de la graine correspond à une période d'élaboration
très intense de réserve dans l'albumen et/ou dans les cotylédons
A maturité, il existe des graines albuminées (ricin)
et des graines exalbuminées (haricot, amandier)
Cette période s'achève par une déshydratation active
du protoplasme : Les vacuoles disparaissent et les protéines se
rassemblent en grains d'aleurone.
La teneur en eau des tissus chutent en moyenne de 90% à 10%. La
déshydratation s'accompagne d'un très fort ralentissement
de l'activité physiologique, la graine entre en vie ralentie.
Résistance et longévité :
La graine à maturité présente une capacité de
résistance exceptionnelle aux environnements défavorables
Sa longévité est d'autant plus grande que la déshydratation
est forte et les téguments (écorce de la graine) sont imperméables.
Suivant les espèces elle va de quelques semaines à dix
- vingt ans (la majorité), elle atteint parfois plusieurs siècles
(nélombo) !
Evolution :
Le mode de développement de la graine est à rapprocher
d?un type de reproduction par viviparité (nous !), en effet, d'une
part , la nutrition du nouvel individu est assurée à l'intérieur
même de l'organisme maternel et d'autres part, les matériaux
nutritifs ne sont accumulés que si la fécondation a effectivement
eu lieu.
Ce mécanisme constitue un progrès net sur l'oviparité qui
se caractérise par une élaboration de réserves précédant
la fécondation (c.à.d avec le risque de perte des substances élaborées
si un gamète mâle n'atteint pas l'oosphère).
Les graines constituent une
forme de dissémination et de colonisation
sans équivalent.
Extraits
et synthèse de : Biologie végétale (2)
J-C Roland et F.Roland et de Biologie Végétale, A.Guilliermond
et G.Mangenot
3 :
Pour continuer, une vue macro d'une graine de Ricin avec plan de coupe.
Cette graine est très utilisée en histologie végétale
pour démontrer la présence de grains d'aleurone, d'huile,
et les différents moyens de les mettre en évidence.
Elle possède aussi des propriétés particulière.
Ces coupes transversales ont été réalisée à main
levée (rasoir 2 faces concaves) il faut bien sûr en obtenir
de très fines.
(J'ai enlevé le tégument avant la coupe, celui-ci est très
dur et nous sera d'aucune utilité ici).
Inutile aussi d'essayer de faire un coupe complète à main
levée, une petite partie est suffisante.
4 :
Contrairement aux coupes en général, il n'est pas indispensable
(même déconseillé dans notre cas) d'humecter le rasoir
et l'objet.
En effet le Ricin contient beaucoup d'huile.
Il faut pour observer ces coupes sans trop de déformations les
monter dans la glycérine.
On peut aussi observer les coupes dans l'eau dont l'influence destructive
ne se fait sentir que peu à peu, à mesure que ce liquide
déplace l'huile qui imprègne le protoplasme des cellules
mais il vaut mieux commencer par la gycérine.
Différentes méthodes de mise en évidence seront
abordées ici.
Ici
une vue à l'objectif
40x, dans l'albumen, nous montre une cellule (on devine les parois)
remplie de grains d'aleurone et de substance
fondamentale huileuse.
Cette
cellule mesure env. 66 x 47 um, les grains d'aleurone varient, 7-9
um x 10-13 um
5 :
Toujours dans la glycérine et sans autres traitements, un grain
isolé, à l'objectif 100x.
On remarquait déjà sur la photo précédente
une texture particulière de l'enveloppe du grain (réticulé)
mais ici c'est évident.
On
peut aussi observer sur cette photo un corps sphérique dans
le grain d'aleurone : Il s'agit d'un globoïde, nous y reviendrons
plus loin.
Comme déjà abordé dans le 2ème post, primitivement,
dans la première ébauche de la graine, ces cellules contiennent
chacune une ou plusieurs grandes vacuoles fluides.
Quand survient la déshydratation, ces vacuoles sont partagées
en éléments plus petits qui se fragmentent à leur
tour en vacuoles plus petites encore et souvent filamenteuses, en même
temps que s'accumulent à lintérieur des substances protéiques élaboré par
la cellule.
Ce double processus de déshydratation des vacuoles et de dépôts
de protéides à l'intérieur se poursuit peu à peu
et s'achève par leur solidification : Chaque cellule de l'albumen
et de l'embryon d'une graine mûre contient ainsi plusieurs vacuoles
déshydratées, offrant l'aspect de grains ovoïdes ou
globuleux et appelées grains d'aleurone.
Sources
documentaire : B.végétale,
A.Guilliermond et G.Mangenot
6 :
Appliquons maintenant un autre protocole.
Ici
j'ai mélangé dans un verre de montre 3 gouttes
de glycérine et une goutte de Lugol 3%.
J'ai immergé ma coupe environ 5 minutes dans ce mélange
(glycérine iodée)
L'enveloppe
du grain d'aleurone devient plus transparente et laisse apercevoir
des inclusions à contour
polygonal, d'aspect cristallin.
On les nomme cristalloïdes, ceux-ci sont formé comme la matière
fondamentale de protéides (albumine entre autres).
Il ne s'agit pas de cristaux d'oxalate (mais certaines graines en contiennent),
un test à la polarisation nous montre qu'il n'y a aucun phénomène
lumineux sur ceux-ci.
Accolé à ces
cristalloïdes on observe aussi un corps
sphérique, c'est nos globoïdes.
Le grain d'aleurone de ricin peut en contenir un ou deux.
Ces inclusions sont constituées par un ester phosphorique d'un
polyalcool cyclique, l'inositol, les restes d'acides étant combinés à du
magnésium et à du calcium.
7 :
Une vue au 100x, toujours dans la glycérine iodée.
Inclusion de globoïdes et de cristalloïdes dans deux grains
d'aleurone.
8 :
Ces cristalloïdes montrent généralement une forme
de losange (souvent avec pointe tronquée) , suivant leur position
on peut aussi en observer de forme triangulaire (planche, h.g.)
Obj.100x, glycérine iodée.
9 :
Quelques propriétés du Ricin.
Alcool :
Si on fait pénétrer de l'alcool absolu sous la lamelle,
la préparation s'éclaircit, les cristalloïdes apparaissent
plus nettement.
Après un temps plus ou moins long, les gouttes d'huile disparaissent
peu à peu.
En effet, à l'encontre de la plupart des autres huiles, l'huile
de Ricin est soluble dans l'alcool.
Eau
et acide acétique
:
Sur cette vue, après une coloration au vert de méthyle
acétique (aqueux, 1%) + rinçage + montage au liquide glycériné,
on voit apparaître des gouttes d'huile s'échappant de la
coupe.
On différencie facilement les gouttes d'huile des bulles d'air
car les phénomènes optiques sont inverses (les gouttes
d'huiles réfractent plus fortement la lumière que l'eau,
elles apparaissent en gris clair et sont entourées d'un bord sombre
assez étroit).
Mon vert de méthyle est acétique il va y avoir une réaction
sur ces coupes :
En effet, en présence d'acide acétique, les grains d'aleurone
se gonflent, les cristalloïdes augmente aussi de volume (se déforment)
et finissent par disparaître (pas dans ce cas car l'acide est pas
assez concentré).
Les globoïdes deviennent aussi plus gros mais résiste à l'action
de cet acide.
L'huile de Ricin présente encore cette exception : Elle se dissout
dans l'acide acétique.
Dans les autres cas, par contre, l'alcool absolu et l'acide acétique,
par la raison qu'ils dissolvent peu ou point les huiles grasses et dissolvent
au contraire les huiles essentielles, sont les meilleures réactifs
pour constater la présence de ces dernières.
Le chloroforme et l'éther dissolvent les huiles grasses et les
huiles essentiels.
Prise
de vue à l'objectif 10x
10 :
Sur ce cliché on voit nettement la déformation des cristalloïdes
en présence d'acide acétique.
Ceux-ci sont plus gros et méconnaissables en comparaison des photos
précédentes.
Les globoïdes presentent moins de déformations.
Obj.40x, vert de méthyle acétique
11:
Une
dernière vue au 20x, on remarque que certain cristalloïdes
conservent encore quelques angles après le passage dans un acide
acétique dilué.
Pour résumé ces différents traitements (il y en
a d’autres, mais je ne les aborderai pas ici) on peut en retenir
que l’histologie végétale doit se pratiquer d’une
manière ordonnée si l’on veut comprendre ce que l’on
voit à travers notre microscope.
Pour les nouveaux amateurs qui veulent appliquer des coupes et des protocoles,
je ne peux que vous conseiller de chercher chez les bouquinistes (sur
le net par exemple) d’anciens manuels de manipulations botaniques,
on en trouve facilement à des prix raisonnables, ces ouvrages
sont d’une richesse extraordinaire !
Et
pour conclure : La nature et nos moyens techniques (d’amateur)
nous proposent de merveilleuses choses à observer, partageons
les !
Fin
...